Aller au contenu principal Aller au menu Aller à la recherche

AddToAny share buttons

Visites, saisies et expertises. Les jurés peintres et sculpteurs face à la production et au commerce illicites d’images à Paris (1680-1715)

Conférence de la Société de l’Histoire de l’Art français
Leonard Bramer (1595-1674), Schilderien te coop (tableaux à vendre), pinceau et encre noire, lavis gris et rehauts de blanc sur papier bleu-gris, Leiden, Prentenkabinet der Rijksuniversiteit
Conférence
Le Samedi 15 avril 2023 de 17h00 à 18h30
INHA, galerie Colbert, salle Giorgio-Vasari (1er étage), 2 rue Vivienne, 75002 Paris

Communication de Maxime Bray, présentée par Christine Gouzi

 

Titulaires d’un droit d’inspection, de contrôle et de surveillance, les jurés peintres et sculpteurs sont habilités à visiter les maîtres de la corporation ainsi que les individus soupçonnés d’exercer dans l’illégalité. Toutefois, l’encadrement juridictionnel ordinaire du métier revenant au Châtelet, aucune sanction ne peut être prononcée sans une sentence du lieutenant de police intervenant après avis du procureur du roi. Ce fonctionnement de la police des métiers parisiens produit un certain nombre d’archives. En s’appuyant sur 165 actes rendus après requête de la jurande des maîtres peintres et sculpteurs par ces deux magistrats entre 1680 et 1715, la présente étude entend interroger la réalité et l’efficacité du contrôle de la maîtrise mais également les savoirs mobilisés par les jurés lors des visites.

Si l’historiographie des corporations a volontiers fait des membres de la jurande les experts naturels du métier, on s’aperçoit que les « visitations » ne sollicitent, à quelques rares exceptions près, aucune expertise particulière. Pénétrant dans les ateliers-boutiques et se concentrant sur les activités de production, les jurés sont principalement à la recherche d’une population marginale et insaisissable : les compagnons peintres et sculpteurs qui échappent à la tutelle de la maîtrise en travaillant illégalement pour leur compte ou au service de maîtres et de marchands. L’analyse de ce corpus montre que les sanctions proclamées suite aux saisies sont très restreintes. Les amendes et dommages-et-intérêts sont minimes, les destructions exceptionnelles et il n’est pas rare qu’une saisie « bonne et valable » soit « neantmoins pour cette fois » rendue au contrevenant. Même les deniers tirés des ventes d’objets finalement confisqués peuvent être remis en leurs mains. En somme, les saisies n’ont qu’un effet comminatoire. Quant à l’incitation des compagnons à s’incorporer en payant leur droit d’entrée, un objectif clairement affiché des visites, elle ne semble pas fonctionner de manière satisfaisante. Pour autant, il ne faut pas voir dans le manque de sévérité des jurés peintres et sculpteurs la trace unique d’une complaisance généralisée ; ils sont peut-être et avant tout démunis face au flot d’images peintes qui irrigue Paris entre les XVIIe et XVIIIe siècles.