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Esthétique et politique, l’impossible équation

La photographie sociale tchèque de l’entre-deux-guerres au regard du contexte transnational
Rudolf Kohn, Couverture de l’album On veut jouer, vers 1933-1934, tirages gélatino-argentiques collés sur carton, Prague, musée des Arts décoratifs
Rencontres du Centre Chastel
Le Mercredi 12 décembre 2018 de 00h00 à 23h59
Centre André Chastel, Galerie Colbert, 2 rue Vivienne, 75002 Paris, salle Perrot (2e étage)

Durant l’entre-deux-guerres émerge dans plusieurs pays d’Europe un mouvement de photographie qui a tout du geste de protestation politique : ses acteurs, des photographes et intellectuels affiliés à des associations culturelles d’extrême gauche, conçoivent la photographie comme un moyen de dénoncer les injustices sociales, voire comme une arme de classe. Les membres du groupe de photographie sociale tchèque, qui comptent parmi les plus importants protagonistes de ce mouvement transnational aux côtés de leurs homologues allemands, soviétiques et français, développent une réflexion approfondie sur la manière de concilier la forme artistique et le contenu politique en photographie. À cette question qui préoccupe à la même époque tous les tenants du réalisme socialiste en Europe, aussi bien en photographie qu’en peinture ou en littérature, les Tchèques apportent des solutions originales.
Des penseurs marxistes tels que Lubomír Linhart, principal porte-parole du groupe de photographie sociale, et Karel Teige, critique et théoricien issu de l’avant-garde, s’inspirent de la production des photographes engagés tchèques, allemands, soviétiques et français pour élaborer un répertoire de formes photographiques susceptible de mettre en défaut l’image de presse et la photographie d’art « bourgeoises ». Contre le statisme supposé de celles-ci, qu’ils dénoncent comme « une simple reproduction de la réalité », ils préconisent un « réalisme dynamique » de l’image photographique. Le photographe engagé est invité à adopter un regard de classe et à saisir les forces sociales en tension, au moyen de solutions formelles telles que le contraste, la vue de détail ou le rythme. Leur discours n’est toutefois pas exempt de contradictions, puisqu’ils encouragent aussi bien la prise de vue documentaire, garante à leurs yeux d’objectivité et de lisibilité, que les expérimentations photographiques, qui rendent certes l’image plus attrayante, mais n’en facilitent pas la compréhension. Afin de saisir ces paradoxes, il importe d’examiner la manière dont les préconisations des théoriciens se traduisent dans les images et leurs usages, tout en les recoupant avec les discours et solutions formelles élaborés par leurs homologues étrangers.