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De l’hôtel de Fieubet à l’école Massillon

2017
Paris, Artelia, 2016, 224 pages.
ISBN
978-2-919096-03-9
29.00
  • Cet ouvrage a été réalisé par Alexandre Gady, professeur à l'universite Paris-Sorbonne et directeur du Centre André Chastel, Étienne Faisant, docteur en histoire de l'art et ancien membre du Centre André Chastel, ainsi que François-Xavier Carlotti.

Le touriste pressé comme l’amateur attentif connaissent bien l’école Massillon : qui n’a un jour remarqué cette masse posée sur la Seine dont le décor fleuri, sinon exubérant, ne manque pas d’attirer l’oeil ? Cette étrange apparence résulte du rêve inachevé d’un homme d’affaires du XIXe siècle, et dissimule en réalité un passé multiséculaire : celui d’un hôtel aristocratique, né du Moyen Âge et auquel le Grand Siècle a donné ses principales dispositions et un nom, celui de la famille de Fieubet.
Une telle histoire, singulièrement complexe, explique sans doute que cette monographie soit la première consacrée à l’édifice devenu l’École Massillon. Elle s’inscrit pourtant dans une tradition historiographique qui remonte au milieu du XIXe siècle et qui a contribué à écrire l’histoire de Paris et de ses anciens quartiers, dont le Marais forme un des plus beaux fleurons. Cette ancienne zone de marécages, colonisée au haut Moyen Âge et intégrée à la capitale au XIVe siècle, présente aujourd’hui un patrimoine exceptionnel, riche d’un ensemble considérable d’édifices élevés entre le XVe siècle et le XVIIIe. Parmi tant de belles demeures célèbres habitées par de grands noms de l’histoire de France, notre hôtel de Fieubet ne compte à l’évidence pas parmi les plus fameuses. Ici, point de Mme de Sévigné, pas d’illustre lignée aristocratique de l’Ancien Régime, mais une série de familles aujourd’hui bien oubliées. Cette absence même a toutefois un intérêt : on perçoit ici, mieux qu’ailleurs peut-être, la réalité de la société du quartier.
Née du beau Marais royal du Moyen Âge, cette demeure a été bâtie à la Renaissance, dans les années où ce lieu attire la fine fleur de la Finance ; agrandie sous Henri IV, quand le secteur connaît un formidable essor immobilier, avec la place Royale (des Vosges) ; enfin transfigurée par Jules Hardouin-Mansart, l’architecte de Louis XIV, au moment où le Marais jette ses derniers feux, à la fin du XVIIe siècle. Sans perdre pour autant son statut, l’hôtel de Fieubet connaît ensuite un assoupissement au XVIIIe siècle, quand les faubourgs Saint-Germain et Saint-Honoré s’imposent. Après la Révolution, il est affecté par l’industrialisation du Marais, devenant même une usine ! Jusque-là, l’histoire de cette demeure est bien conforme à celle du quartier en général et de tant d’autres propriétés en particulier. Pourtant, ce destin a été bouleversé par l’ambition folle d’un homme, le comte de La Valette : sous le Second Empire, quand Paris se transforme mais que le Marais reste à l’écart de la ville lumière, cet original a voulu fabriquer ici un monument unique, une résidence à la mesure de sa démesure, manifeste en pierre de ses idées monarchistes.
La ruine ayant empêché l’accomplissement de ces chimères, l’hôtel a trouvé une nouvelle vie en devenant le siège d’une école catholique qui, à l’instar de tant de pensions du Marais de Balzac, gravite à l’origine dans l’orbite du grand lycée Charlemagne. Ce nouveau chapitre fait l’objet de la seconde partie de l’ouvrage. La renommée d’un simple externat de lycéens, dont les Pères de l’Oratoire accompagnent l’éducation scolaire et chrétienne, conduit à l’achat du bâtiment, qui abrite dès lors des élèves et leurs maîtres en soutane noire. Son destin étant désormais lié à celui de l’école, le vaisseau de pierre est à même d’affronter, de surmonter les turbulences et les défis de l’Histoire. Ultime mutation qui devait entraîner, à son tour, travaux et aménagements qui ont fait de l’ancien hôtel l’édifice que nous connaissons aujourd’hui, au gré des besoins et des succès de « Massillon ». Cette dernière évolution prend place dans un contexte plus large : celui de la sauvegarde du Marais, acquise seulement depuis le début des années 1960, puis de sa valorisation par les pouvoirs publics comme par les particuliers à l’oeuvre depuis un demi-siècle. Cet impératif patrimonial est venu ajouter à la complexité de l’histoire en rappelant à notre société que le passé, loin d’être mort, constitue un extraordinaire enrichissement. Un tel enjeu concerne chacun d’entre nous : préservation et transmission constituent les deux visages de cette histoire-là.